mardi 12 mai 2015

Studieuses vacances: récit de Mademoiselle Lancel (6)


Mais c’est qu’il se rebellait ! Petit coq dressé sur ses ergots… Qui voulait… Qui avait décidé… Je ne le corrigerais plus… C’était fini… Et puis quoi encore ! Il voulait l’affrontement ? Il allait l’avoir… Il n’y en a pas eu… Il a suffi que je hausse un peu le ton pour que la baudruche se dégonfle… Pour qu’il file aussitôt droit… C’était prévisible : il n’a pas de moëlle ce garçon… Pas de colonne vertébrale… Il lui faut quelqu’un, constamment, derrière lui, pour le forcer à se tenir debout… Et droit… Je lui ai néanmoins fait payer ses velléités de rébellion au prix fort. Que lui passe, une bonne fois pour toutes, cette détestable manie de faire des caprices…

Je lui ai d’abord infligé une correction particulièrement appuyée… Et au martinet cette fois-ci…Une correction que j’ai fait interminablement durer… Malgré ses supplications…
– Oh, s’il vous plaît ! Arrêtez ! S’il vous plaît… Pitié ! Je le ferai plus… Arrêtez !
Je ne l’ai interrompue que lorsque je l’ai estimée, moi, suffisante… Pour exiger alors qu’il s’agenouille, nu, pour solliciter mon pardon… Que je ne lui accordé, du bout des lèvres, qu’après le lui avoir longuement fait attendre…

Il a voulu se relever…
– Non, non… Tu restes comme ça… Tu es très bien comme ça… Et tu écoutes ce que j’ai à te dire… Ce que j’ai, de mon côté, décidé… Alors d’abord tu vas dire à ta petite amie, à Émilie, que je veux la voir… Dès que possible…
– Hein ? Mais pour quoi faire ?
– Tu le sauras bien assez tôt…
– Peut-être qu’elle voudra pas venir… Elle vous connaît pas…
– Oui, ben alors ça ! Tu te débrouilles comme tu veux, mais il faut qu’avant ce soir elle ait franchi cette porte… C’est bien compris ?
Il a fait signe que oui… C’était compris, oui…
– Bon, mais on va quand même faire en sorte que tu n’oublies pas…
– Et j’ai repris le martinet…
– Oh, non !
– Bien sûr que si ! Tourne-toi !

Il l’avait accompagnée…
– Qu’est-ce tu fais là, toi ?
– J’ai pensé…
– T’as pas à penser… T’as à faire ce qu’on te dit… Un point, c’est tout… Tu rentres chez toi… Et n’en profite pas pour te précipiter au café… Parce que je le saurai…
Il a filé sans demander son reste…
Émilie a hoché la tête…
– Vous en faites vraiment tout ce que vous voulez, hein…
– Oui, oh, avec lui c’est pas bien compliqué… Tu pourrais, toi aussi, si tu voulais… Tu devrais d’ailleurs… Un homme, si on prend pas le dessus, on finit toujours, tôt ou tard, par s’en mordre les doigts…
– Ben oui, mais…
– T’y vas en douceur… Progressivement… D’autant que je vais continuer à te déblayer largement le terrain… Parce que… Il est inquiet là, non ?
– Ah, ça ! Il a passé l’après-midi à se demander ce que vous pouvez bien me vouloir… Et à me le demander… Sûr que ce soir je vais avoir droit à un interrogatoire en règle…
– Oui, ben quand il va savoir…
– C’est quoi ?
– Tu pourras lui dire que je t’ai demandé de me signaler systématiquement ses incursions au café…Fréquence et durée…
– Il va pas apprécier…
– Ça, je me doute…
– Il y croira pas que je vais vous le dire… Je le vois d’ici… « Tu me ferais pas ça, hein, ma chérie ? »
– À toi de te montrer déterminée… Inébranlable… Tu me le diras…
– Il y croira pas quand même…
– Mais une fois que tu l’auras fait…
– Ça changera rien… Vous savez pas quelle importance ça a, pour lui, les copains…
– Je me doute, si ! C’est bien pour ça qu’il faut agir… Dans son intérêt… Dans l’intérêt de ses études… De son avenir… Et dans ton intérêt à toi… Le temps qu’il ne passera pas au café il t’en consacrera la majeure partie…
– Et vous ferez quoi s’il y va quand même au café ? Vous lui donnerez la fessée ? Ça y changera quelque chose, vous croyez ?
– Si je la lui donne devant toi, sûrement, oui…

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