Nollwen a voulu qu’on déjeune ensemble
toutes les deux…
– Parce que j’ai plein de trucs à te
dire, mais vraiment plein de trucs… D’abord, ce matin, avant que t’arrives j’ai
eu droit à un grand numéro de Bastien… Dans le registre : « Je vais quand
même bien réussir à t’apitoyer… »
– Je vois ça d’ici…
– Figure-toi qu’on lui fait courir de
gros risques… De très gros risques…
– Non !
– Eh si ! Parce que plus il y
aura de monde au courant dans la boîte et plus ça risque de se répandre comme
une traînée de poudre…
– Puissamment raisonné…
– Et donc ce qu’il nous demande,
c’est de renoncer à offrir le spectacle de son petit derrière rougeoyant à
l’une quelconque de nos collègues…
– Ben voyons ! Et tu as répondu
quoi à ça ?
– Que c’était pas à lui de décider…
Qu’on offrirait la vision de son anatomie mortifiée à qui bon nous semblerait…
Que plus il voudrait la soustraire aux regards et plus on l’y exposerait…
– Excellent !
– Et j’ai ajouté, pour faire bonne
mesure, qu’après ce que sa femme nous avait révélé sur son compte, il aurait
plutôt intérêt à faire profil bas…
– Et il a voulu savoir ce qu’elle
nous avait dit… Ce qu’on savait…
– Même pas, non… Il a piqué du nez
dans ses dossiers et je l’ai plus entendu de la matinée…
– C’est ce qu’il avait de mieux à
faire… Et à part ça ?
– À part ça j’ai passé la soirée
d’hier avec Julia Ravazzi… Plusieurs fois on s’était dit qu’il faudrait bien
qu’on aille en boîte ensemble… Et là ça m’a toquée d’un coup… Je l’ai appelée…
Seulement ça tombait plutôt mal : il venait de la larguer son mec… En
beauté… On a passé deux heures au téléphone du coup… Et je peux te dire que les
types elle était plutôt remontée contre… Parce que la troisième fois ça fait
qu’on la roule dans la farine… Comme moi… Pareil… Ils te promettent tous des
tas de trucs qu’ils ont jamais eu l’intention de tenir… Et quand tu découvres
le pot-aux-roses tu tombes des nues… Et ça fait mal, mais mal !
– J’en sais quelque chose…
– Ton amour-propre il en prend un
sacré coup en plus… Qu’est-ce que t’as pu être conne… Non, mais qu’est-ce que
t’as pu être conne ! Dix mille fois la vérité tu l’as eue devant les yeux…
Seulement t’as pas voulu la voir… T’as tout fait pour pas la voir… De fil en
aiguille je lui ai parlé de ce petit salaud de Thibaud… Qui trompe sa femme à
tout-va… Avec moi… Avec Mélanie… Avec Ismène… Qui trompe tout le monde avec
tout le monde… Sans le moindre état d’âme… Je lui ai dit quelle gentille petite
surprise on lui réservait… Et proposé, comme à toi, de se joindre à nous… Elle
en est… Tu penses bien qu’elle en est… Et qu’elle s’est pas fait prier… Il sait
pas ce qui l’attend l’autre… Cinq nanas remontées comme des pendules d’un coup…
Je voudrais pas être sa place…
– C’est pour quand d’ailleurs ?
Pour bientôt ?
– C’est imminent… Demain… Après-demain
au plus tard… Je te ferai signe…
– Ah, oui, hein ! Surtout
t’oublies pas…
– Et puis, dans la foulée, parties
comme on était, je lui ai touché un mot de Bastien… C’était l’occasion ou
jamais…
– Et alors ?
– Ça l’a beaucoup amusée… Je sais pas
comment il se débrouille mon cher maître de stage, mais j’ai l’impression que
personne peut le voir au boulot… Que tout le monde est ravi quand il se trouve
en position délicate…
– Et pour cause… Il est parfaitement
imbuvable… T’es payée pour le savoir… En fait il est comme tous ces gens qui,
parce qu’ils ont quelque chose à se prouver, écrasent en permanence les autres
de leur soi-disant supériorité…
– En tout cas je peux te dire qu’on
dispose là, si on veut, d’une collaboratrice particulièrement déterminée…
– Un peu qu’on veut ! Dès demain
matin elle sera mise à contribution…
– Qu’est-ce que j’apprends, mon petit
Bastien ? On a récriminé…
– Mais non, mais…
– Comment
ça »non » ? En somme, si je te comprends bien, Nollwen est une
menteuse…
– J’ai pas dit ça…
– Non, mais ça revient au même… On
s’en souviendra… Le moment venu… En attendant, à ce qu’il paraît, on a ses
petites pudeurs…
– C’est pas ça, c’est que…
– Je me fiche de ce que c’est… Ça
m’intéresse pas… Ce qu’il y a de sûr par contre, c’est que t’as pas compris
grand chose au film… Parce que nous on n’avait pas du tout l’intention de
mettre qui que ce soit au courant… Ce qu’on en disait, c’était pour te faire
peur… Te ramener à de meilleures sentiments… Seulement évidemment maintenant
que tu as cru bon d’avoir des exigences…
– C’était pas des exigences…
– Tais-toi ! N’aggrave pas ton
cas…maintenant la situation est complètement différente… Et tu comprendras
qu’on n’ait pas d’autre solution que de sévir…Donc voilà ce qu’on va faire… On
va encore une fois te bander les yeux et quelqu’un – cette fois ce sera
pas ta femme – ce sera quelqu’un du boulot va te flanquer une bonne
correction… Tu auras deux jours pour deviner qui a officié Mais
attention ! Une seule réponse… Si tu trouves on s’en tiendra là… Sinon…
Sinon on recommencera… Avec quelqu’un d’autre… T’as compris ? Eh bien
allez alors… En piste…