Ils
sont venus me chercher… Kevin… Baptiste… Arthur… Tous les
trois…
– Ben
alors ! Arrive ! Qu’est-ce tu fous ? On te voit
plus… Tu nous snobes ou quoi ?
– Mais
non, mais…
– Mais
quoi ?
– C’est
la rentrée…
– Et
alors ? Ça change quoi ? Ça t’empêche pas de venir
boire un coup vite fait la rentrée…
– Si
je foire encore mon année…
– Elle
fait que commencer l’année… T’auras tout le temps de te
rattraper après… Et puis, de toute façon, pour ce que ça sert
les études… T’as neuf chances sur dix de finir chômeur… Comme
tout le monde… Alors franchement on voit pas ce que tu t’emmerdes…
– Il
y a aussi ma copine… Qui commence à me battre froid… Et grave…
– Raison
de plus ! Une nana, si tu commences à la laisser décider à ta
place de ce que tu dois faire ou pas, t’es fichu… Elle va pas
arrêter de te monter dessus… Et tu finiras en laisse… Comme un
bon toutou… C’est quand même pas ça que tu veux, merde !
Ils
ont pas lâché le morceau… Tant et si bien que j’ai fini par
céder…
– Bon,
mais vite fait alors !
– Mais
oui… Juste le temps de s’en jeter un petit et on se ramasse…
Quatre
heures après j’y étais encore… Sans pouvoir en profiter
vraiment : je pensais à Émilie… Qui devait m’attendre…
Qui m’attendait forcément… Émilie dont j’appréhendais la
réaction… Maintenant que Mademoiselle Lancel lui montait la tête…
Elle ne me cafarderait pas, non… Elle n’était pas comme ça…
Elle n’irait pas jusque là… Mais elle allait me mener la vie
impossible… J’allais avoir droit à des reproches à n’en plus
finir…
Elle
dormait… Elle dormait paisiblement… Je me suis glissé à ses
côtés sans bruit…
Au
réveil, pas une remarque… Pas une réflexion… Rien… Elle ne
faisait même pas la gueule… Elle était lisse… Neutre… Comme
s’il ne s’était rien passé… Ou comme si elle s’en fichait
complètement…
Mademoiselle
Lancel, par contre, quand je me suis présenté chez elle, en début
d’après-midi, a attaqué d’emblée…
– T’étais
où hier soir ?
La
garce ! Elle lui avait dit… La sale petite garce hypocrite…
Elle n’avait rien eu de plus pressé que de venir pleurer dans son
giron…
– Eh
bien ? J’attends…
Inutile
de nier… J’allais perdre mon temps… Et l’indisposer un peu
plus encore contre moi…
– Non,
mais c’est parce que…
– Parce
que quoi ?
Parce
que rien… Aucune excuse valable ne me venait à l’esprit…
– Fallait
qu’on parle…
– Oh,
mais je n’en doute pas… Vous avez certainement une foule de
choses à vous dire… Ce qui tombe bien d’ailleurs… Moi aussi,
j’ai des choses à te dire… Dont je suis sûre que tu les
entendras beaucoup mieux les fesses à l’air…
Je
n’ai pas protesté… Je me suis exécuté… Agenouillé, comme
d’habitude, au bord du canapé… De toute façon je n’y
couperais pas… Alors plus vite on en aurait fini… Mais ça n’est
pas venu… Derrière moi elle ouvrait des tiroirs… Déplaçait des
objets… Ne me prêtait plus la moindre attention…
On a
sonné…
– Tu
ne bouges pas… Tu restes comme ça…
Des
chuchotements dans le couloir… Ça s’est rapproché…
– Regarde
qui c’est qu’est là !
Émilie !
Non, mais c’était pas vrai que… Émilie !
– Non,
non… Tu bouges pas, je t’ai dit… Ah, tu veux pas comprendre ?
Eh bien je peux te dire que cette fois tu vas comprendre…
C’est
tombé d’un coup… Une morsure de martinet… Une seule… Mais
d’une force ! J’ai hurlé… De douleur tout autant que de
surprise…
– Alors
comme ça, c’était bien les copains hier soir ? Ah, ben tant
mieux ! Tant mieux ! J’espère que t’en as bien
profité… Parce que maintenant une autre paire de manches ça va
être…
Trois
autres cinglées… Très rapprochées… Une quatrième…
– Oui…
Donc… Tu disais que tu t’es bien amusé hier soir… Ce qui veut
dire que t’en as bu combien ?
– Pas
beaucoup… Presque pas…
Une
salve… Sept ou huit coups…
– Ça
fait mal…
– Ah,
ben ça, je sais, oui… T’en as bu combien ?
– Je
sais plus au juste… Cinq… Six… Quelque chose comme ça…
– Ce
qui veut certainement dire une dizaine… Ou une douzaine…
Et
ça s’est abattu… À toute volée…
– Là…
C’est tout pour aujourd’hui… Et la prochaine fois, s’il y en
a une, mais il y en aura sûrement une, c’est Émilie qui se
chargera de te remettre elle-même les idées en place…