mercredi 28 août 2013

Nollwen, Marta et Bastien ( 7 )

– C’était pas vrai, toi ?
– Quoi donc ?
– Qu’il t’avait proposé de l’argent pour coucher…
– C’était pas explicite… C’était pas sous cette forme… Mais n’empêche qu’il m’a bien fait comprendre… Je débutais dans la vie… Alors si j’avais besoin d’aide… Sous une forme ou sous une autre… Et tralala… Et tralala… On pouvait pas être plus clair…
– Quel salaud !
– Je lui ai vite fait comprendre qu’il fallait pas qu’il y compte… Il a pas aimé… Pas du tout… Et il s’est vengé… S’il m’en fait autant baver depuis des semaines… Et toi ? Il t’a vraiment dit que t’étais vieille et que t’aurais plus beaucoup d’occasions ?
– Non… Mais il le pensait tellement fort… J’aurais voulu que tu voies son air… Refuser sa proposition, moi ? Alors que j’aurais logiquement dû sauter au plafond de reconnaissance, ravie qu’il ait condescendu à jeter les yeux sur une pauvre vieille chose comme moi…
– Je l’imagine bien en plus… Et elle, sa femme, tu crois qu’elle y a cru à ce qu’on a raconté ?
– Elle le connaît suffisamment, je suppose, pour que ça lui paraisse tout-à-fait plausible…
– Je me demande comment elle fait pour vivre avec un type pareil…
– N’empêche que j’aimerais quand même bien savoir ce qu’il a fait pour qu’elle ait pu prendre autant barre sur lui… Parce que c’est vraiment pas le genre de type à se laisser faire comme ça…
À moins que ce soit un jeu entre eux tout ça finalement… Un truc pour s’exciter sexuellement… Peut-être qu’il adore ça prendre sa branlée…
– Il avait pas l’air… Et puis faire entrer dans la confidence deux collègues du boulot, alors qu’ils pourraient se trouver des complices ailleurs, c’est prendre de sacrés risques quand même… Imagine qu’on parle… Il devient la risée de toute la boîte…
– Il y a sûrement une explication, mais à part ça je vois vraiment pas laquelle…
– J’ai bien ma petite idée…
– Qui est ?
– Qui est qu’on travaille dans un grand cabinet comptable… Avec des ramifications internationales… Ça brasse là-dedans… T’es bien placée pour le savoir… Et lui mieux que personne… Alors imagine qu’il se soit livré à quelque entourloupe… Qu’il ait détourné des sommes importantes… Que sa femme, d’une façon ou d’une autre, s’en soit rendu compte… Elle le tient du coup… Parce que, si elle vend la mèche, non seulement il perd sa place, mais il a toutes les chances de finir en taule… Elle le tient et elle en profite pour se venger de tout ce qu’il lui a fait subir…
– J’avais pas pensé à ça, mais oui… Oui… C’est tout-à-fait plausible… Et ça expliquerait bien des choses… Il n’empêche que c’est quand même prendre de gros risques…
– Pas tant qu’elle ne nous révèle pas le fin mot de l’histoire… Le seul risque en fait, c’est qu’on raconte aux collègues la petite séance à laquelle on vient d’assister… Et là, si on fait ça, sûr qu’il est mal… Mais peut-être que elle, elle s’en fout… Peut-être qu’au contraire ce serait pas pour lui déplaire même qu’on parle… Après tout on sait pas ce qu’il lui a fait subir depuis des années… S’il l’a bafouée, humiliée tant et plus – ce qui, le connaissant, n’aurait rien d’étonnant – elle crève peut-être d’envie de le voir, à son tour, blessé dans son amour-propre…
– Il a déjà dû l’être… Et pas qu’un peu… Parce que quand elle lui a annoncé… « Ou tu te trouves deux collègues de travail – deux femmes – devant lesquelles j’ai l’intention de te corriger ou bien je mets ton patron au courant » sûrement que ça a pas été facile à avaler pour lui… Orgueilleux comme il est…
– Je l’imagine bien en train de tempêter… De supplier… D’argumenter… D’essayer de l’amadouer par tous les moyens… Mais elle, inflexible… Déterminée… Là aussi sa fierté a dû sacrément en prendre un coup… Mais va bien falloir qu’il s’y fasse n’importe comment… Ça fait que commencer…
– Parce que… ? Tu comptes en parler ?

– Oh, non… Non… Sûrement pas… C’est bien plus amusant de rien dire… Et de l’entretenir dans l’appréhension permanente qu’on le fasse… Tout ce qu’on veut on va obtenir de lui maintenant… Absolument tout ce qu’on veut… Et on va pas s’en priver…    

mercredi 21 août 2013

Le Centre2 ( 27 )

– Ben alors ?!
– Je… J’y arrive pas… Je…
– Je vois ça, oui !
– C’est parce que… Marjorie… Toute la nuit…
– Ah, mais ça, je veux pas le savoir, mon petit Patrice… On t’héberge… On te nourrit… On te demande qu’une chose en contrepartie, c’est d’être en état de marche… Chaque fois qu’on a besoin… Et si t’en es pas capable…
– Mais si ! Seulement…
– Ben on dirait pas…
– Cet après-midi… Je vous promets…
– C’est pas cet après-midi que j’ai envie… C’est tout de suite… Oh, mais ça, normalement, ça devrait te remettre en forme… Une bonne vingtaine de coups et… Ah, ben tu vois… Déjà… Rien que l’idée… Et ça commence aussitôt à reprendre un peu forme… Allez ! Mets-toi en position… Qu’on te fasse surgir une belle érection comme je les aime…



– Entrez, les filles, entrez ! Débarrasse-les de leurs manteaux, Léonard !
– Il est trop drôle, lui ! Il me fait trop rire…
– Arrête ! Tu vas le faire rougir…
– Ben justement, c’est le but…
– Et il bande en plus !
– Oui, oh, ben ça, Léonard… Il lui faut pas grand-chose…
– Et l’autre, là ? Celui qu’était sous la table l’autre jour ?
– Patrice ? Vous le verrez pas Patrice aujourd’hui… Il est puni…
– Même si on intercède en sa faveur ?
– Même…
– C’est nous les plus punies finalement dans l’histoire…
– Oui… Parce que faut bien reconnaître… Il sait se servir de sa langue…
– Il y aura d’autres occasions… Je vous promets… Non… Aujourd’hui vous allez faire la connaissance de Bastien… Que voici d’ailleurs…
– Ah, oui... L’écrivain…
– Si on veut, oui… Il va nous faire la lecture… Allez, toi, on t’écoute…

– Eh ben dis donc !
– Oui… Il y a un truc que je comprends pas, moi… Cette Nollwen et cette Marta, elles existent ?
– Un peu qu’elles existent ! Ce sont des collègues à lui…
– Et alors il y a quoi de vrai au juste là-dedans ?
– Rien… Parce qu’elles ne sont évidemment pas comme il les décrit… Ou pas tout-à-fait… Pas à ce point-là… Parce que les scènes qu’il décrit sont bien évidemment totalement imaginaires… Et tout… Parce qu’il n’a pas inventé ça par hasard… S’il l’a fait, c’est qu’il en a à la fois envie et très peur… Surtout très peur… Et donc… Donc je m’emploie à faire en sorte que cela ait vraiment lieu… J’ai fait la connaissance de Nollwen… J’ai entrepris de l’amener tout doucement là où j’ai envie qu’elle aille… C’est en bonne voie… En très bonne voie…
– Tu nous raconteras ?
– Ben bien sûr…
– Et on pourra assister ?
– Ça coule de source…



– Oui, je sais, Nollwen, je sais… C’est mal vu… Ça fait allumeuse… Mais faut bien reconnaître qu’avoir un homme à tes pieds… Un homme auquel on tu n’accordes strictement rien… Et qui n’en est que davantage encore à ta dévotion, moi, je connais rien de plus jouissif… Non ? Pas toi ?
– Si… Si, mais…
– Faut pas se raconter d’histoires… On est toutes comme ça… Toutes… Et celles qui prétendent le contraire…
– Il y en a beaucoup…
– Elles sont pas honnêtes… Et elles savent pas ce qu’elles perdent… Parce qu’un homme dont tu t’es vraiment emparée tu peux l’emmener loin… Très très loin…
– Vous l’avez fait ?

– Bien sûr… Je te raconterai si tu veux… Mais pas maintenant… Ça risque d’être long… Et faut que tu retournes travailler… Moi aussi d’ailleurs… J’ai à faire…   

mercredi 14 août 2013

Nollwen, Marta et Bastien ( 6 )

– Ça peut peut-être suffire…
– Oui… D’autant que je commence à avoir sérieusement mal au bras, moi !
– Et il y aura d’autres occasions…
– S’il continue à colporter comme ça toutes sortes d’inventions… sûrement…
– Ce qu’est probable… Il a ça dans la peau…
– Ah, je voudrais pas être à votre place, ma pauvre Anna… Ça doit pas être facile tous les jours un type pareil à la maison…
– Ça, vous pouvez le dire… Mais j’ai eu de la chance finalement… Beaucoup de chance : il a commis la seule erreur à ne pas commettre… Celle qui change complètement la donne… Il a tout intérêt à être sage… Très très sage… Sinon… Hein, mon chéri ?  
– Il répond pas…
– Oh, il file doux maintenant… Il file doux… Et il a tout intérêt…
– Si seulement il pouvait être comme ça au boulot…
– Il est comment d’ailleurs là-bas ?
– Oh, la la ! Si vous saviez !
– Infect ! Absolument infect !
– Hautain… Méprisant… Cassant…
– C’est bien simple… Personne peut le voir… Personne…
– Surtout les femmes… Parce qu’il a une de ces façons de se comporter avec elles…
– Comment ça ?
– Pour lui il est clair qu’une femme ne pense qu’à une chose : écarter les cuisses…
– Mais qu’elle essaie, le plus souvent, de donner le change… De cacher son jeu…
– Seulement lui, il est pas dupe… Ah, non alors ! On la lui fait pas…
– Et il se démultiplie dans tous les sens…
– Pas une avec qui il ait pas essayé…
– Oui… On y a toutes eu droit…
– Mais c’est pas vrai !
– Toi, tu te tais ! Et tu les laisses parler… C’est très intéressant, je trouve, ce qu’elles ont à raconter…
– En tout cas t’as pas intérêt à te trouver toute seule avec, ça, c’est sûr !
– Oui, parce que tu peux être tranquille qu’il va te faire du rentre-dedans…
– Et que ça va être d’un lourd, mais d’un lourd !
– Comment ça ?
– Oh, ben en ce qui me concerne, par exemple, je l’ai vu rappliquer dans mon bureau, un soir, au moment où j’enfilais mon manteau… « Je te raccompagne ? » « Non… Merci… » « T’as tort… Tu sais pas ce que tu perds… » « Tant pis pour moi, mais non… » « T’es trop quand même, toi, dans ton genre ! Parce qu’il suffit de te regarder trois secondes pour savoir qu’il y a des mois que t’as pas été baisée… T’as une occasion en or et tu la laisses passer… « En or ? Permets-moi d’en douter… » « Elles sont pourtant toutes d’accord là-dessus… Toutes… » « Eh ben va les retrouver… Et les satisfaire… Puisqu’elles sont si enchantées de tes prestations…  » « Tu le regretteras… Tu risques de le regretter… Parce qu’à ton âge, c’est plus si souvent maintenant que t’auras des occasions… »
– C’est d’une délicatesse…
– Je vous le fais pas dire…
– Et toi, Nollwen ?
– Oh, moi… On peut pas dire qu’il ait fait dans la dentelle non plus… C’est deux gros billets que je l’ai vu me poser sur le bureau… « On se retrouve tout-à-l’heure à l’hôtel en face de la poste ? » « Non, mais ça va pas, hein ? T’es pas bien ! » « Ah, parce qu’il y a pas assez ? Combien tu veux ? » « Non, mais tu me prends pour qui ? » « Pour ce que t’es… Ni plus ni moins… Parce que tu me feras pas croire que ce serait la première fois que tu couches pour de l’argent… » « Mais jamais de la vie enfin ! » « Allez ! Arrête ton cinéma… T’en crèves d’envie… Alors tu fais ton prix et puis on y va… »
– Ah, ben j’en apprends de belles ! Qu’est-ce t’as à dire pour ta défense, mon chéri ?
– Que c’est un tissu de mensonges… Qu’il y a rien de vrai dans tout ça…

– Mais bien sûr ! En attendant j’ai bien fait de te laisser le cul à l’air… Parce que ça va être mon tour maintenant… Et je peux te dire que tu vas t’en souvenir…  

mercredi 7 août 2013

Le Centre2 ( 26 )

– Inqualifiable, ta conduite… Inqualifiable…
– Mais…
– Il n’y a pas de mais qui tienne… Parce que voilà des femmes qui sont nos invitées… Que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam… Et avec lesquelles tu te permets de te comporter d’une façon, mais d’une façon !
– Hein ?! Mais c’est vous qui m’avez dit…
– Nous ? Qu’est-ce qu’on t’a dit ?
– Ben de me cacher sous la table… Et au signal… Avec ma langue…
– Non, mais alors là cette fois on aura tout entendu…
– Et menteur avec ça !
– Non, mais si ! C’est vrai, hein !
– Et il insiste en plus ! Il insiste… Tu lui as dit quelque chose, toi ?
– Non…
– Moi non plus…
– Il cherche, c’est clair… Il cherche…
– Eh ben il va trouver… Il a trouvé… Allez, tu te mets les fesses à l’air… Et en position…

  
– Alors ?! Nollwen ?
– J’ai passé l’après-midi avec…
– Oui, ben ça, je sais… Et ?
– J’ai eu du mal au début… Elle était sur le registre : je suis nulle et sans le moindre intérêt… Pourquoi vous vous intéressez à moi ? En fait je crois qu’elle me prêtait des intentions… Pour la rassurer j’ai délibérément orienté la conversation sur les hommes… On était entre femmes, hein, et il fallait bien reconnaître que c’était LE sujet qui nous préoccupait toutes… Non ? Qui la préoccupait elle en tout cas… Là-dessus il y a pas eu photo… Elle s’est très vite montrée intarissable… Et je peux te dire qu’elle s’est étalée avec complaisance sur ses multiples conquêtes…
– En somme Bastien serait pas si loin que ça de la vérité…
– Oui et non… Parce que, s’il faut l’en croire, elle couche pas… Ils en crèvent tous d’envie, mais non… Non…
– Qu’elle dit…
– À mon avis c’est vrai… Elle allume tant qu’elle peut, mais elle accorde jamais rien… À personne…
– La vraie petite garce, quoi !
– Ce que Bastien en fait dans son bouquin… Mais autrement…
– Il en fait peut-être la garce qu’il redoute qu’elle soit… Ou qu’il voudrait qu’elle soit… Ce qui revient au même finalement…
– Probablement…
– La garce qu’elle va devenir ?
– Qu’elle est sûrement déjà tout au fond d’elle-même… Qu’on va faire patiemment remonter à la surface… Ça me plaît bien ce challenge… Oui… Ça me plaît bien…

– Alors, mon petit Bastien… Ça avance ce bouquin, j’espère ?
– Un peu…
– Comment ça « un peu » ? Fais voir… Que ça ?! Non, mais tu te fiches du monde, là… Tu te fiches vraiment du monde…
– J’ai repris le boulot…
– Et alors ? C’est pas une raison… Léonard s’occupe du ménage, des courses, de la cuisine… De tout… Quand tu rentres t’as strictement rien à faire… Qu’à écrire… Non… La vérité, c’est que tu baîlles aux corneilles au lieu de travailler… Bon… Mais on va remédier à ça… Tu sais avec qui j’ai déjeuné à midi ?
– Ben non… Non… Comment je saurais ?
– Avec Nollwen…
– Nollwen !
– Nollwen, oui ! On s’est dit des tas de choses très intéressantes toutes les deux… Vraiment très intéressantes…
– Mais pas que…
– Que quoi ?
– Eh ben que moi… Que vous… Que le bouquin… Enfin tout ça...

– Ça ne te regarde pas ! Mais un conseil : écris ! Perds pas ton temps… Écris ! Tu pourrais avoir de très mauvaises surprises sinon… De très très mauvaises surprises…